Ecrite pour de jeunes acteurs (11 et 15 ans), la pièce sensibilise à la problématique qu’ils peuvent rencontrer lorsqu’ils sont confrontés à l’accident ou la maladie.
La pièce a été créée par moi-même au Lycée Fieldgen (Luxembourg), puis par Caty Baccega (en Belgique) et Jérôme Varanfrain (au Luxembourg).
Extrait de la version initiale conçue pour 12 jeunes filles:
Marie est assoupie sur le plateau. Elle se réveille lentement et regarde autour d’elle. Elle semble un peu perdue. Elle regarde sa montre.
Marie : L’école !
Marie s’agite en tous sens et quitte le plateau. Elle réapparaît presque aussitôt avec un cartable.
Lisa et Kelly entrent sur le plateau. Elles sont en pleine discussion.
Lisa : Je ne connais rien, je te dis ! Je vais me faire allumer !
Kelly : Tu le savais pourtant, qu’on avait contrôle.
Lisa : Déjà que la prof peut pas m’encadrer.
Kelly : Ouais. Et puis c’est un gros coefficient.
Marie s’est approchée des filles.
Marie : Salut Lisa, salut Kelly !
Les deux filles ne font pas attention à elle.
Lisa : Tu veux me faire flipper ou quoi ?
Kelly : Non, c’est juste que la prof a été très claire…
Lisa : Tout ça c’est à cause de mon frère.
Marie : Heho ! Je vous parle.
Kelly : Je croyais qu’il était à la fac.
Lisa : Il est revenu ce week-end… présenter « son amour, sa princesse » !
Kelly : Je vois pas le rapport !
Marie : Vous le faites exprès ? Pourquoi vous ne me parlez pas ?
Lisa : J’ai un peu envahi sa chambre depuis qu’il est parti… Bref, tous mes cours sont sur son bureau.
Marie : Kelly ! Lisa !
Kelly : Et alors ?
Lisa : Il a fermé la porte à clé tout le week-end. Il devait avoir peur que j’aille fouiller dans les strings de sa copine.
Kelly : Elle met des strings ?
Les deux filles quittent le plateau.
Marie : Ça alors !
Joanna, Lena et Daniela entrent.
Joanna : La scène qu’elle m’a fait !
Lena : Comment tu as réussi à le récupérer.
Daniela : C’est moi. Elle m’a envoyé un sms et je suis allé le récupérer dans la poubelle devant chez elle.
Marie : Salut les filles !
Une fois encore, personne ne fait attention à Marie.
Joanna : Regarde, il est trop top !
Lena : Oh wow !… Mais ça te sert à quoi si tu peux pas le porter ?
Joanna : Je le mettrai en sortant de l’école !
Marie : Ça va pas recommencer ?
Lena : Et si ta mère le sait ?
Daniela : Qui veux-tu qui lui dise ?
Marie : Vous allez me répondre, oui ?
Lena : Pourquoi vous me regardez comme ça ? Je ne dirai rien.
Daniela : Et moi je suis une vraie tombe !
Les trois filles sortent.
Marie : Qu’est-ce qu’il m’arrive ?
Vanessa, Caroline, Tamara et Claire traversent le plateau.
Claire : Vite ! Vite ! On est en retard !
Marie leur fait de grands gestes.
Marie : Hého ! Hého ! Je suis là !
Personne ne réagit. Marie reste seule. Une voix retentit.
Yan : Te fatigue pas, elles ne peuvent pas t’entendre.
Marie : Qui est là ?
Yan : N’aie pas peur, c’est moi.
Marie cherche d’où provient la voix. Yan vient se glisser derrière elle sans qu’elle s’en aperçoive.
Marie : Qui êtes-vous ? Que me voulez-vous ?
Yan : Je m’appelle Yan. N’aie pas peur.
Marie : Vous… vous me voyez ?
Yan : Ne me vouvoie pas. Tu peux me dire « tu ». Et… oui, je te vois.
Marie : Comment ça se fait ? Je ne comprends pas, je ne te connais pas et tu me vois. Et mes amies que je vois tous les jours, elles ne me voient plus.
Yan : C’est comme ça. Maintenant ton amie, c’est moi.
Marie : Je ne te connais pas, je te dis. On ne devient pas amies comme ça.
Yan : Tu n’as pas vraiment le choix.
Marie : Je ne comprends rien à ce que tu dis. Pourquoi mes amies ne me voient plus.
Yan : Je n’en sais rien. Je sais juste que c’est comme si tu n’avais jamais été là. Pour moi, c’est pareil.
Marie : Tu dis n’importe quoi !
Yan : Tiens ! Regarde tes copines avec la prof de maths.
Entre Manuela (la prof de maths) suivie de toutes les filles.
Manuela : Mesdemoiselles, un peu de calme, s’il vous plaît.
Les filles font beaucoup de bruit.
Manuela : J’ai dit « silence » !
Caroline : C’est pas vrai, elle l’a pas dit !
Vanessa : Fais gaffe, elle est pas de bonne humeur.
Tamara : T’as vu sa tête !
Manuela : Des candidates pour trois heures de colle ?
Toutes : Non, madame.
Marie rejoint le groupe des filles. Yan la suit.
Yan : Ça ne sert à rien.
Marie : Pourquoi ?
Manuela : Je vais faire l’appel.
Chaque fois qu’un prénom est cité, la fille désignée répond « présente » ou « oui ».
Manuela : Joanna, Caroline, Claire, Daniela, Kelly, Lena, Lisa, Tamara et Vanessa.
Marie : Elle ne m’a pas appelée.
Yan : C’est normal.
Manuela : J’ai décidé de reporter le contrôle prévu aujourd’hui.
Kelly : Génial !
Claire : C’est dégueulasse, j’avais super bien étudié !
Tamara Qu’est-ce que ça peut te faire alors ?
Yan : Regarde…
Manuela : Aujourd’hui, je voudrais que nous parlions de…
Yan calque des doigts. Aussitôt, la prof et toutes les filles restent figées dans leur position.
Marie : Qu’est-ce que tu leur as fait ?
Yan : C’est rigolo, non ?
Marie : Qu’est-ce que tu leur as fait ?
Yan : Un petit tour fastoche. Je te l’apprendrai si tu veux.
Marie : Pourquoi tu as fait ça ?
Yan : Elles allaient commencer à être méchantes avec toi.
Marie : Pourquoi elles seraient méchantes ? On est une classe qui s’entend super bien. Et je n’ai aucun problème avec madame Manuela.
Yan : Ah oui, tu crois ?
Marie : J’en suis sûre.
Yan : J’en connais une qui ne va pas en croire ses oreilles…
Yan claque à nouveau des doigts. Toute la classe reprend vie.
Manuela : … je voudrais que nous parlions de Marie. Comme vous le savez, cette petite peste nous a quittées sans même nous prévenir. Donc, je voudrais que vous essayiez chacune de dire ce qui, à vos yeux, l’a poussée à nous jouer ce vilain tour.
Les filles lèvent toutes la main et crient pour parler la première.
Manuela : Silence !
Marie : Pourquoi elle dit ça ? Je ne me suis jamais comportée comme une peste !
Manuela : Une à la fois.
Yan : Je t’avais prévenue… et ce n’est que le début.
Manuela : Tamara.
Tamara Elle est méchante. Tous les jours, dans la cour, elle me tirait les cheveux.
Marie : C’est pas vrai, pourquoi elle dit ça ?
Kelly : Ouais, et puis à la moindre occasion, elle nous traitait de « grosses vaches », Lisa et moi.
Tamara : Alors qu’elle, elle se gênait pas pour faire ses sales coups en douce.
Marie : Quoi ?!
Claire : Elle a fait pipi dans le seau d’eau pour nettoyer le tableau.
Vanessa : Et les toilettes, c’est elle qui passait son temps à les boucher en les bourrant de papiers.
Lena : Les fringues de Kelly, on est certaines que c’est elle qui les volait.
Marie : Ce sont mes amies, comment elles peuvent dire ça ?
Caroline : Pendant les contrôles, elle n’arrêtait pas de tricher.
Marie : C’est pas vrai !
Joanna : Et son copain, qu’est-ce qu’elle a pu nous ennuyer avec lui.
Daniela : « Oh Pierre ! Pierre ! il est tellement beau ! »
Lisa : Il est moche, oui ! Il est plein de boutons !
Kelly : Il a mauvaise haleine !
Vanessa : Et puis il s’en fichait d’elle. Il avait plein d’autres copines.
Marie : Arrêtez !
Yan claque des doigts. La classe se fige. Marie pleure.
Yan : Tu vois ? Je te l’avais dit. C’est pas grave. Maintenant je suis là, moi.
Marie : C’étaient mes amies.
Yan : Oublie-les. C’est moi ton amie.
Marie : Laisse-moi tranquille.
Yan : Tu veux rester toute seule ?
Marie : Pourquoi je te croirais ? Elles, j’étais sûre qu’elles m’aimaient bien. Laisse-moi.
Yan quitte le plateau. Marie se promène au milieu des filles.
Marie : Pourquoi vous m’avez menti ? Pourquoi vous faisiez comme si vous étiez mes amies ?
Marie vient s’asseoir à l’avant-scène. Silence. Yan réapparaît.
Yan : Marie ?
Marie : Qu’est-ce que tu veux ?
Yan : Tu es toujours triste ?
Marie : Je n’ai pas envie de parler.
Yan : Faut que je te dise quelque chose.
Marie : Tu es sourde ou quoi ?
Yan : Ce que tu as vu, ce n’était pas vrai.
Marie : De quoi tu parles ?
Yan : C’est moi.
Marie : C’est moi ? Quoi, c’est moi ?
Yan : J’ai fait dire n’importe quoi à ta prof et à tes copines.
Marie : Ne te moque pas de moi. J’ai eu ma dose.
Yan : Si tu veux que je t’explique, je ne suis pas loin.
Marie : Yan ?
Yan : C’est la première fois que tu m’appelles par mon prénom.
Marie : Pourquoi tu aurais fait ça ?
Yan : Il y a trop longtemps que je suis toute seule. Je voulais une amie.
Marie : Comment tu as fait ? C’est impossible !
Yan : Je ne sais pas comment. Il suffit que je claque des doigts.
Marie : Et moi, je peux le faire ?
Yan : Tu veux savoir ce qu’elles pensent vraiment de toi ? Claque des doigts.
Marie regarde la classe. Elle claque des doigts. La classe reprend vie.
Marie : Ça marche !
…